ME OUSSEYNOU GAYE, AVOCAT : « ADJI SARR DEVRAIT ÊTRE DÉFÉRÉE POUR DÉFAUT DE CARNET SANITAIRE »

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C’est une plaidoirie complète qu’il a faite avant le procès. L’un des avocats de la propriétaire du salon « Sweet beauté », Me Ousseynou Gaye est revenu de long en large sur les charges retenues contre sa cliente, sur les manifestations qui ont éclaté au Sénégal après l’arrestation de Ousmane Sonko ainsi que sur la plainte déposée par Me Dior Diagne contre ses frères, Mes Bamba Cissé et Pape Samba Sow. Entretien.

Vous êtes l’avocat qui a filmé l’incident qui s’est produit devant le bureau du doyen des juges entre les avocats et les gendarmes. Quelles sont les raisons qui ont motivé votre acte ?

En vérité, la vidéo qui est devenue virale, n’a pas été filmée par moi. C’est une autre personne que je ne connais pas qui a été témoin des faits qui a filmé l’incident. La vidéo, que j’ai prise comme je l’indique dans mes propos, était destinée au Bâtonnier et n’a été partagée que dans le groupe WhatsApp des avocats. D’ailleurs, dans celle-ci, je n’y apparais pas puisque je ne me suis pas filmé moi-même, mais je filmais les confrères et notamment Maître Etienne Ndione qui s’est prêté à l’interview. La raison qui a motivé le film était de 2 ordres : D’abord, marquer l’histoire puisque de mémoire d’avocat aucun juge d’instruction n’a accompli une telle forfaiture. Ensuite, et à la fin en revoyant le contenu, j’ai tenu à le partager exclusivement dans notre groupe WhatsApp pour inculquer aux jeunes confrères les vertus du courage, essentielle d’un avocat, dernier rempart contre l’injustice. En tout cas, le ressenti des confrères a été très positif. Globalement, les gens ont apprécié au regard du nombre de likes.

Mais est-ce que vous aviez le droit de prendre de telles images ?

Ah oui, parfaitement. Vous avez bien entendu mes confrères marquer leur accord. Seuls eux pouvaient s’opposer à la diffusion de leur image. D’ailleurs, vous les entendez en filigrane l’exprimer. Or, ce n’est pas le cas. Mais, comme je l’ai dit, la vidéo qui circule n’est pas de moi. Je n’ai filmé aucun gendarme.

Donc qu’est-ce que le gendarme vous a dit qui puisse vous mettre dans de tels états ?

Il a poussé l’outrecuidance jusqu’à vouloir m’interdire de filmer, alors qu’il n’en a aucune prérogative. Je lui ai rappelé avec véhémence, je l’avoue, mon droit absolu de filmer mes confrères qui sont d’accord. Et ne recevoir, dans l’enceinte du Palais de Justice, aucun ordre.

Comment appréciez-vous les charges retenues contre votre cliente Ndèye Khady Ndiaye ?

Je crois qu’il est irrespectueux de plaider le dossier dans la presse et dans les plateaux de télévision. Et je me garderai de dévoiler notre stratégie de défense hic et nunc. Toutefois, il reste certain que les qualifications retenues procèdent d’une rancune tenace d’un procureur qui a oublié depuis qu’il a quitté l’école de la magistrature qu’il est l’avocat de la société requérant à charge et à décharge. Comment peut-on être complice d’un viol censé être perpétré dans le salon de massage alors même qu’à ce moment précis elle avait les yeux rivés sur la couveuse électrique, chapelet à la main priant pour que sa fille prématurée survive. Il est tout aussi ubuesque d’invoquer une incitation à la débauche sur la foi des déclarations mensongères de la dame Adji Sarr.

« ADJI SARR DEVRAIT ÊTRE DÉFÉRÉE… »

Pourtant cette dame qui assume son statut de prostituée n’a pas été inculpée du délit de défaut de carnet sanitaire, protégée par le ministère de l’Intérieur et préservée par le parquet de toute inculpation. L’incitation à la débauche a été retenue par le juge Seck à la place de la qualification principale du procureur qui avait retenu le proxénétisme. Bien sûr que c’est juste pour sauver la dame Adji Sarr du délit de défaut de carnet sanitaire car, elle déclare avoir des relations sexuelles avec des clients alors qu’elle ne dispose pas de carnet de sanitaire. Mais, c’est peine perdue car même sous cette qualification et au regard de ses déclarations Adji Sarr devait être inculpée pour défaut de carnet sanitaire comme les prostituées que la brigade des mœurs défère à longueur de journée.

La diffusion d’images obscènes résulte d’un motif insidieux fait par le parquet puisqu’il a été produit des images provenant d’un autre site. D’ailleurs, à l’évocation de ce chef de délit notre cliente a pleuré, elle qui, en dehors de son éducation vertueuse qui lui interdit de mentir, a accompli le pèlerinage à la Mecque et à une pratique cultuelle exceptionnelle.

Et puis, au nom de quoi, ces personnes qui ont circulé pendant le couvre-feu à savoir, Adji Sarr, Sidy Ahmet Mbaye et consorts n’ont pas été inculpés de violation du couvre-feu à l’instar des centaines de personnes déférées sans pitié par le parquet et condamnées par les Tribunaux de flagrant délit.

Votre cliente dit recevoir des menaces chaque jour. Pourquoi vous n’avez pas demandé au ministre de l’Intérieur d’assurer sa sécurité comme l’ont fait les avocats d’Adji Sarr ?

Comment voulez-vous qu’elle bénéficie d’une protection du ministère de l’Intérieur. Si le Capitaine Touré n’a pas eu cette protection, il est illusoire de penser à la protection de Ndèye Khady Ndiaye, témoin peu commode, inculpée pour son refus de collaborer à un complot sordide. Mais, Allah SWT, la protègera.

Avez-vous déposé une plainte contre ceux qui la menacent ?

Déposer une plainte ? Mais, la plainte est forcément déposée entre les mains du procureur, lequel avait requis le mandat de dépôt contre lui. Pour le Procureur, la seule protection envisagée pour elle et sa fille prématurée est de l’envoyer entre les quatre murs de la prison de Liberté 6. N’oubliez pas que Ousmane Sonko a déclaré avoir déposé plusieurs plaintes restées sans suite, et ce à l’instar d’autres citoyens Lambda alors qu’une fille aux mœurs douteuses a pu mobiliser comme jamais le parquet de Dakar d’une plainte formulée par des complotistes de bas étage. Son mari a reçu un jet de pierre qui lui a occasionné une blessure grave sans que personne ne daigne lever le plus petit doigt. Aujourd’hui, il soigne sa blessure et s’estime même heureux que ce ne soit pas sa femme et sa fille, qui à coup sûr n’auraient pas survécu à ce guet-apens.

Comment comptez-vous faire avec la mise sous contrôle judiciaire de votre cliente si l’on sait qu’il a des restrictions ?

Ce contrôle judiciaire lui interdit de communiquer avec la presse et d’exercer l’activité de massage est une mesure excessive. En effet, d’une part, elle est privée de subsides qui lui permettaient d’entretenir sa famille et les clients, de massages tonifiants, bénéfiques et essentiels pour soulager les douleurs qui justifiaient leur présence dans le salon.

En outre, l’exigence de sa présence pour signer le registre participe d’une insouciance inouïe. En effet, on oublie que cette dame a accouché d’une fille prématurée qui doit alterner couveuse électrique et système Kangourou dans un lieu dédié à cet effet. Toute absence peut engager le pronostic vital de l’enfant prématuré. Heureusement, que le Juge d’Instruction du 8 ème Cabinet n’a pas suivi le Procureur qui avait requis contre elle le mandat de dépôt mais a plutôt pris une Ordonnance contraire de liberté provisoire assortie du contrôle judiciaire.

« JE MARQUE MA SOLIDARITÉ À MES DIOR DIAGNE, EL HADJI DIOUF… »

Quelles leçons tirer des dernières manifestations qui ont éclaté dans le pays ?

Rarement, les fondements de la République n’ont été aussi ébranlés. L’Etat a vacillé et tangué gravement. De Diaobé à Dakar, de Saint Louis à Ziguinchor, de Kaolack à Diourbel, il y a eu une onde de choc tellurique jamais ressentie de mémoire de Sénégalais et qui a fait réfléchir plus d’un. D’abord, il faut apprendre à s’adresser au peuple avec moins d’arrogance et ne jamais oublier que le pouvoir appartient à ce peuple qui l’a confié à un homme par la voie des urnes mais qui peut le confisquer dès lors que la gouvernance adopte des méthodes aux antipodes de la démocratie. On a remarqué que dès que les premiers jalons du complot ont été posés, les thuriféraires patentés et assermentés du régime ont gardé le silence sur la foi d’un simple sms du Chef de l’Etat. Mais sans pour autant qu’un ordre express ait été donné, ils ont investi massivement les plateaux de télé et les studios de radio, le fiel à la bouche pour soutenir avec force arguments sans consistance et des contrevérités et inepties inacceptables à savoir, viol inexistant au regard des éléments objectifs du dossier. Ces thuriféraires et larbins du régime qui parlent de tout sauf du 3ème mandat ont exaspéré des jeunes désœuvrés par une politique économique sans vision. Les jeunes de ce pays ont la ferme conviction qu’il faut arborer une tunique « marron-beige » pour profiter des avantages de l’Etat Parti. Il faut aussi que la communication gouvernementale soit régulée et harmonisée puisque chacun tire à hue et à dia.

Et pourquoi vous le dites ?

Alors que le ministre de l’Intérieur qui ne s’est pas encore départi de sa toge de procureur invoque l’action de terroriste, le ministre de la Justice soutient que ce sont les lutteurs. De son côté, le ministre des Affaires étrangères parle d’ennemis extérieurs du modèle démocratique sénégalais. Or, il est aisé de constater le recul du modèle démocratique sénégalais depuis belle lurette. Le Niger, le Cap-Vert et Burkina Faso sont très en avant sur le Sénégal. D’ailleurs, à propos de terroristes, les ministres oublient que le GARSI corps d’élite de la gendarmerie verrouille les frontières évitant toute intrusion de terroristes. Il fallait à l’instar de Monsieur Ousmane Sonko à l’égard du GIGN, magnifier le travail colossal du GARSI plutôt que les blessés moralement. Heureusement que le Président Macky Sall a compris que ces événements traduisent les frustrations que vivent les jeunes de ce pays et décide de les juguler. Espérons qu’il y arrive avant 2024.

Cette affaire Adji Sarr/Ousmane Sonko est en train de créer du désordre au sein du barreau. Me Dior Diagne a d’ailleurs déposé une plainte contre deux de vos confrères en l’occurrence Mes Bamba Cissé et Papa Sambo So. Quelle analyse en faites-vous ?

C’est l’occasion pour moi de marquer mon soutien et ma solidarité à l’égard de mes confrères El Hadj Diouf, Dior Diagne Abdou Dialy Kane menacés, agressés et sauvagement lynchés sur les réseaux sociaux. Il est inadmissible qu’un avocat soit inquiété de quelque manière parce qu’il a décidé de défendre un justiciable. Sur ce point, sauf à transgresser les règles déontologiques, il n’a de juge que sa conscience. Il n’appartient à personne de s’ériger en censeur et priver les justiciables de leur droit imprescriptible à une défense en intimidant les avocats. Moi-même, j’ai été approché pour assurer la défense de Adji Sarr avec à la clef des honoraires conséquents mais j’ai fait jouer ma clause de conscience. C’est dire que si j’avais accepté j’aurai subi le même sort que mes confrères.

Pour le reste, il est vraiment déplorable qu’une plainte adressée au Bâtonnier fasse les choux gras de la presse. Il faut que chaque avocat se pare à jamais des vertus cardinales de notre noble profession à savoir la délicatesse, la dignité et la loyauté.

Il faut surtout éviter de faire des dépassements de fonctions sources de problèmes disciplinaires. J’ose espérer que dans un souci d’apaisement Me Dior Diagne retirera sa plainte pour mettre à l’aise le Bâtonnier. Et lui permettre avec l’appui du conseil de l’ordre de poser les jalons d’un futur meilleur pour le barreau qui se doit de se battre contre la concurrence déloyale d’autres professions et l’installation de majors cabinets anglophones qui vont truster le contentieux des mines du pétrole, du gaz laissant la portion congrue aux nationaux.

A nous d’être un peu égoïste et de nous concentrer sur nos intérêts, ce qui passe nécessairement par la formation continue et cyclique de nos jeunes confrères. Il faut les préparer à ces combats majeurs plutôt que de perdre notre temps à des futilités par rapport à ces enjeux majeurs. Un barreau ne peut se moderniser sans que son directoire n’ait une vision futuriste.

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