Des institutions fortes : voilà ce qu’il nous faut !

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Malgré la pluralité des visions et idéologies politiques, la majorité des dirigeants africains de l’histoire contemporaine ont échoué à offrir à leur peuple de meilleures conditions d’existence. Les causes de cet échec politique sont nombreuses et vouloir les imputer uniquement aux dirigeants relève d’une approche simpliste de la question. Autant le rappeler d’emblée : les responsabilités sont plus que jamais partagées. Néanmoins, la part de responsabilité du Leader africain sera toujours largement plus grande que celle du simple citoyen, en sens qu’il est chargé de définir un idéal collectif et d’impulser la dynamique pour l’atteinte de cette dernière.
Cet article n’a pas la prétention d’énumérer et d’étudier de façon exhaustive les causes de l’échec de la démocratie en Afrique. Il s’agit juste d’une tentative de cerner les facteurs majeurs qui entravent le décollage des pays africains dont la majorité sont condamnés à revivre les mêmes crises politiques dont la principale cause reste l’obsession des hommes politiques pour le pouvoir.
Les institutions : le talon d’Achille des démocraties africaines
Le premier facteur qui encourage le déclin des démocraties africaines est sans nul doute l’absence d’institutions fortes hissées au-dessus des volontés particulières des acteurs politiques. En effet, le premier réflexe de tout nouveau président est d’impulser des réformes constitutionnelles dans l’unique but de se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible, quitte à fouler aux pieds les acquis démocratiques construits pendant des années. Et la facilité avec laquelle ces réformes sont acceptées et soutenues par les différents pouvoirs (exécutif, parlementaire et judiciaire) est tellement déconcertante qu’il y a lieu de poser un débat sérieux sur la viabilité des démocraties africaines. L’exemple récent de la Côte d’ivoire avec le reniement du président Ouattara sur la question du troisième mandat illustre à suffisance l’acuité de la question des institutions en Afrique. En effet, au moment où les partisans du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, le regroupement de la majorité présidentielle) pensent que la candidature du président Ouattara ne pose aucun problème en vertu de la nouvelle constitution adoptée en novembre 2016, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) compte attaquer la candidature du président sortant qu’il juge illégal. Et revoilà le fameux débat sur la rétroactivité de la loi. Des scénarios similaires se présentent au Sénégal et en Guinée avec Macky Sall et Alpha Condé.
Des institutions héritées de la Colonisation
Mais pour en revenir aux causes de l’échec du modèle démocratique africain, il est aussi utile de préciser que nos pays ont subie l’influence négative de la colonisation sans chercher à se départir de ses mécanismes fondamentaux. Si l’on prend le cas du Sénégal, il convient de noter que nos institutions ont été calquées sur le modèle français sans aucun effort d’adaptation à nos réalités. Le postulat de base se retrouve faussé dès le départ car notre histoire, notre façon de penser, nos us et coutumes diffèrent fondamentalement de ceux de l’ancienne métropole. Finalement il y a une dissonance notoire entre les institutions et les réalités endogènes. Et c’est ce qui explique quelque part, l’ignorance et le désintérêt du peuple vis-à-vis de la chose politique. Par conséquent, le pouvoir est pris en otage par un cercle d’initiés capables de faire et de défaire les lois en fonction de leurs intérêts du moment. La masse se retrouve ainsi prise en otage par une élite malhonnête et manipulatrice dont l’unique préoccupation est de conquérir et de se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible sous le contrôle strict et maléfique du Colonisateur.
« Des institutions fortes à la place des hommes forts »
Ainsi il est important de comprendre que ce débat sur le nombre de mandats est impensable dans les pays dits de grandes démocraties où le président élu sait exactement le nombre de mandats qu’il peut faire sans aucune possibilité de dérogation, et ce avant même d’être élu. La raison est toute simple car ces pays ont des constitutions et des institutions qui transcendent toute volonté de manipulation à des fins politiciennes, comme on le voit en Afrique. Et à ce niveau, il est nécessaire de souligner que ces constitutions ne tombent pas du ciel. Elles se fondent sur une histoire politique souvent mouvementée avec ses périodes d’incertitudes. Le mérite de ces pays, c’est qu’ils ont pu à un moment crucial de leur évolution se retrouver autour de l’essentiel en mettant de côté toute considération partisane pour mettre en avant l’intérêt supérieur de la Nation. D’ailleurs l’ancien président américain Barack Obama a bien cerné le défi des institutions en Afrique quand il déclare : « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions ». Il renchérit : « En ce XXIe siècle, des institutions capables, fiables et transparentes sont la clé du succès – des Parlements puissants et des forces de police honnêtes ; des juges et des journalistes indépendants ; un secteur privé et une société civile florissants, ainsi qu’une presse indépendante. Tels sont les éléments qui donnent vie à la démocratie, parce que c’est ce qui compte dans la vie quotidienne des gens ». Ces propos d’une teneur véridique incontestable reflète à quel point il est urgent pour les pays africains de bâtir des institutions fortes.
Aujourd’hui, on peut dire qu’en dépit de ce tableau peu reluisant qui illustre l’état des institutions en Afrique, l’espoir est permis. En effet, cet espoir se fonde sur la montée en puissance d’une nouvelle génération d’acteurs politiques et citoyens qui prônent la rupture pure et simple d’avec le système actuel. Un système fondé sur l’emprise de l’ancienne puissance colonisatrice qui place ses marionnettes au pouvoir dans le but de poursuivre son entreprise de domination. C’est grâce à cette nouvelle génération d’ailleurs que nous assistons à la remise en cause des symboles forts de ce système d’assujettissement des peuples africains tels que le Franc CFA ou la dictature d’une élite politique corrompue. Et il n’y a pas d’autre alternative que cette voie si les Africains veulent se réapproprier de leur avenir et de leur continent car comme le clame Thomas Sankara : « Seule la lutte libère ! »
Chérif Abdoul Aziz Touré
Journaliste, Directeur Dabakh Fm

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