Forum national du livre, une lueur d’espoir pour les acteurs du secteur
Le Forum national du livre et de la lecture qui s’ouvre jeudi au Grand Théâtre national, à Dakar, est une manifestation qui redonne de l’espoir aux acteurs du secteur, désireux de voir leurs préoccupations davantage prises en compte par les pouvoirs publics.
Ces doléances concernent l’industrialisation du secteur, les enjeux liés au numérique, la question des taxes, parmi d’autres préoccupations régulièrement relayées par les acteurs.
Aussi ces derniers voient-ils d’un bon œil la tenue de ce forum, qui leur donne l’occasion de débattre de leurs problèmes en vue de leur trouver des solutions.
Selon la présidente de l’Association sénégalaise des éditeurs (ASE), Aminata Sy, le Forum national du livre vient à point nommé, dans le cadre des efforts visant à réconcilier les jeunes avec le livre.
“Comme vous le savez, il y a le désamour des jeunes par rapport au livre et à la lecture, et ce forum qui est une commande du président de la République, qui veut réconcilier les jeunes avec la lecture”, explique-t-elle dans un entretien avec l’APS.
Mme Sy, par ailleurs directrice générale des Nouvelles éditions africaines du Sénégal (NEAS), note que cette initiative représente “une bonne opportunité” pour les éditeurs, dans un contexte marqué dit-elle par une baisse des ventes de livres.
Les maisons d’édition, malgré leurs efforts, ne parviennent pas à épuiser leurs stocks, selon Mme Sy.
“On a constaté que notre stock ne bouge presque pas, les jeunes ne lisent plus”, sans compter que dans les écoles, “le niveau a vraiment baissé. Il y a beaucoup de problèmes liés au livre et à la lecture”, fait-elle valoir.
Les barrières de la langue contribuent pour beaucoup à cette situation, ajoute-t-elle, avant de saluer l’introduction des langues nationales dans le système éducatif, en vue de “relever ce niveau”.
Cette décision vient en appoint au travail déjà entamé par certains éditeurs, relève directrice générale des Nouvelles éditions africaines du Sénégal.
Aussi se forum se présente comme une opportunité importante pour la promotion de l’édition de manuels scolaires
“L’édition, c’est très important. Il nous faut vraiment une collaboration avec le gouvernement, le ministère de l’Education nationale, car nous produisons des ouvrages scolaires. Après tant d’années d’indépendance, nous pouvons quand même faire les livres”, a-t-elle insisté, faisant allusion au marché du livre scolaire.
Plaidoyer pour une industrie du livre
La volonté des autorités de promouvoir une industrie du livre constitue aussi un point d’attention des professionnels du secteur.
Etant donné que le régime actuel promeut le souverainisme, a poursuivi Aminata Sy, “il doit essayer de donner la chance aux éditeurs nationaux dans la mise en place d’une vraie industrie du livre”.
Elle estime que les éditeurs rencontrent beaucoup de difficultés pour l’écoulement de leurs produits.
Abordant dans le même sens, le président de l’Association des écrivains du Sénégal (AES), Abdoulaye Fodé Ndione, pense que le Sénégal est appelé à industrialiser davantage le secteur de l’édition.
“Ce forum est le bienvenu, car il permettra aux professionnels du livre de se réunir, de débattre et de proposer des pistes pour faire avancer l’édition”, a-t-il dit, insistant sur la nécessité d’industrialiser le secteur de l’édition au Sénégal.
De son point de vue, l’industrialisation du livre permettrait une meilleure circulation des ouvrages, en particulier dans les régions où les éditeurs ont souvent du mal à exposer leurs produits.
Pour arriver à mettre en place une industrie du livre, l’écrivain estime que l’Etat devra “davantage renforcer” les associations évoluant dans ce secteur.
Le président de l’AES espère que les autorités prendront “de fortes décisions” pour résoudre les problèmes du secteur, en structurant l’édition autour de maisons “fiables et professionnelles”, qui méritent d’être soutenues par l’Etat.
Il relève un certain dynamisme de l’édition sénégalaise qui mérite d’être accompagné et soutenu, selon lui.
Abdoulaye Fodé Ndione émet aussi le souhait de voir le Fonds d’appui dédié à l’édition institutionnalisé, afin de permettre aux éditeurs de recevoir des sommes conséquentes leur permettant de travailler “dans des conditions optimales”.
Renforcer l’édition numérique
Il souhaite aussi que le Forum national du livre fasse un focus sur l’Intelligence artificielle (IA), compte tenu de l’importance de cette question pour l’édition.
“Avec le numérique, on ne peut pas reculer, car il est dans tous les secteurs, y compris celui de l’édition. Nous en tenons compte”, ajoute-t-il, signalant le “faible nombre d’éditions numériques” au Sénégal.
Il a cependant insisté sur la formation des éditeurs à ces nouveaux outils, dans la mesure où tout leur travail se fait en ligne, y compris la vente des ouvrages.
“Je ne pense pas que l’édition numérique puisse remplacer le livre imprimé, qui reste solide et incontournable, même si elle occupe une place de choix avec l’arrivée de l’IA, car les gens préfèrent le livre papier au numérique. D’où leur complémentarité”, martèle-t-il.
M. Ndione indique que le Forum national du livre et de la lecture prévu jeudi et vendredi, sera également une occasion pour faire un plaidoyer auprès des autorités contre la piraterie ou contrefaçon du livre.
Une occasion à saisir pour “mettre un accent particulier” sur ce “fléau” qui impacte le secteur depuis des années.
Il rappelle la mise en place, il y a quelques années, d’une police de lutte contre la piraterie, dont les actions restent encore “peu visibles”.
“La piraterie est un délit, un crime, car un éditeur qui a un projet de livre, qui investit de l’argent et de l’énergie, espère en retour gagner une somme conséquente. Et si quelqu’un à côté fait une copie de sa production, la partage à travers plusieurs canaux, il sacrifie le travail de l’éditeur”, dit-il.
A l’en croire, il est plus que temps, pour l’Etat, de s’organiser pour lutter contre ce fléau, car cette seule brigade “ne peut pas faire grande chose”.
Une Journée nationale du livre plutôt qu’un forum
Le Cénacle des jeunes écrivains du Sénégal opte plutôt pour l’institution d’une Journée nationale dédiée au livre, en lieu et place d’un Forum, en vue d’une participation “plus inclusive”.
“Nous voulons que ce forum soit plutôt transformé en une Journée nationale du livre, pour une forte inclusion des parties prenantes, notamment des élèves, des régions, on pourrait même inviter les grands auteurs du continent, etc., car le forum, à notre sens, est plus restreint”, a soutenu le secrétaire général du Cénacle des jeunes écrivains du Sénégal, Alain Sambou.
Il soutient que cette démarche permettrait aussi de pérenniser cette initiative, surtout en ce qui concerne la chaîne du livre.
Il a toutefois énuméré quelques attentes du cénacle sur cet événement, notamment la baisse de la taxe sur le livre, un plus large accès au Fonds d’aide à l’édition alloué aux écrivains pour les jeunes évoluant dans le secteur, la facilitation d’accès au livre, entre autres questions.
“Nous demandons à l’Etat d’exonérer le papier et les imprimantes et de réduire de d’au moins 15% les taxes appliquées aux maisons d’édition, car c’est toute une chaîne”, a-t-il plaidé.
Le Cénacle des jeunes écrivains du Sénégal milite en outre pour l’augmentation du budget de la direction du livre et de la lecture, une mesure qui impulserait “un bon accompagnement” des acteurs évoluant dans le secteur du livre.
APS
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