Le Big Data, une technologie porteuse de révolution pour l’éducation

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L’intégration du Big Data et de l’analytique dans l’éducation a révolutionné les méthodes d’enseignement traditionnelles dans de nombreux pays, indique l’expert en Big Data, Mouhamed Moustapha Diouf.

Ces ressources offrent une multitude d’opportunités pour améliorer les résultats d’apprentissage des élèves et étudiants à travers une meilleure compréhension du processus d’assimilation des apprenants, estime-t-il dans un entretien accordé à l’APS.

”Toutes les informations numériques que nous produisons et qui sont si nombreuses qu’elles ne peuvent plus être gérées par les outils classiques peuvent résumer la définition du Big Data (mégadonnées)’’, explique-t-il.

Il compare le Big Data à un fleuve d’informations qui ne cesse de s’étendre, alimenté par nos téléphones, nos ordinateurs, nos cartes bancaires, et même les capteurs dans nos villes. Il contient des données variées : photos, vidéos, messages, chiffres ou encore des mesures scientifiques.

Selon lui, ce qui le rend si puissant, c’est qu’il permet, grâce à des outils spécialisés, de transformer cette masse d’informations en connaissances utiles.

Chaque seconde, des millions de messages sont postés sur les réseaux sociaux, des millions de transactions sont effectuées, et des capteurs dans des appareils enregistrent des informations. Traiter tout cela demande des infrastructures techniques robustes et des ordinateurs très puissants.

Appliqué à l’éducation dans un pays comme le Sénégal, où les ressources sont limitées, le Big Data peut sembler inaccessible, fait remarquer l’expert en mégadonnées. Pourtant, s’il est bien utilisé, il peut répondre à des priorités urgentes, soutient Mouhamed Moustapha Diouf.

‘’Une école publique d’un quartier défavorisé peut utiliser des données pour identifier les élèves les plus à risque de décrochage scolaire. De même, à un niveau national, les données permettent de mieux planifier la construction d’écoles ou la formation des enseignants, en identifiant les régions où les besoins sont les plus criants’’, fait-il valoir.

De nombreux projets réussis ont permis de démontrer l’efficacité de l’analyse de données dans le secteur de l’éducation. Par exemple, le projet METAL en France a mis en place des tableaux de bord pour les enseignants et les élèves, facilitant un suivi personnalisé des performances et l’adaptation des stratégies pédagogiques.

Au Brésil, une étude réalisée à l’Université Fédérale de l’Espírito Santo a développé un outil de visualisation des données pour comprendre et prévenir le décrochage universitaire. En analysant des facteurs culturels, socio-économiques et académiques, l’université a pu identifier les étudiants à risque et mettre en place des politiques de rétention efficaces.

D’après M. Diouf, l’analyse des données permet de passer d’une approche uniforme, où tous les élèves sont évalués et accompagnés de la même manière, à une approche individualisée, adaptée aux besoins spécifiques de chaque apprenant.

— Formation adaptée au contexte des éducateurs — 

‘’Pour les élèves ayant des troubles d’apprentissage, comme la dyslexie ou des difficultés de concentration, les données offrent un éclairage essentiel. Elles permettent de comprendre quelles approches pédagogiques leur conviennent le mieux, qu’il s’agisse de supports visuels, d’exercices interactifs ou d’outils technologiques spécifiques”, précise-t-il.

Cette personnalisation de l’enseignement favorise non seulement une meilleure compréhension, mais aussi un regain de motivation pour ces élèves.

Au-delà des cas individuels, l’analyse des données peut également guider les décisions à l’échelle des écoles ou des régions, en identifiant des tendances, affirme Mouhamed Moustapha Diouf. Par exemple, si une école constate que ses élèves obtiennent systématiquement de faibles résultats dans certaines matières, elle peut ajuster ses programmes ou renforcer la formation des enseignants dans ces domaines.

‘’En donnant les moyens d’identifier les besoins spécifiques de chaque élève et d’ajuster les interventions, dit-il, l’analyse des données offre une opportunité unique de renforcer l’engagement et de maximiser les chances de réussite, notamment pour les élèves les plus vulnérables.’’

Cependant, ces prédictions sont influencées par la qualité et la diversité des données disponibles, prévient-il. ‘’Si les données sont incomplètes ou biaisées, les prédictions risquent d’être erronées. Par exemple, des données qui ignorent des facteurs non quantifiables, comme la motivation personnelle ou le soutien émotionnel, peuvent sous-estimer le potentiel de certains élèves’’, avance-t-il.

A l’en croire, les outils basés sur le Big Data doivent donc être conçus et gérés par des ingénieurs spécialisés, qu’ils soient issus du ministère de l’Education ou de partenaires privés, en collaboration avec tous les acteurs impliqués dans le cycle de collecte, transformation et analyse des données.

Ces outils doivent être adaptés au contexte éducatif et répondre aux besoins pratiques des enseignants sur le terrain. Une fois ces outils en place, les éducateurs doivent être formés à utiliser les tableaux de bord, rapports et visualisations qui leur sont fournis.

Au-delà de l’utilisation technique, les enseignants doivent apprendre à traduire ces informations en actions pédagogiques.

En résumé, souligne Mouhamed Moustapha Diouf, les éducateurs n’ont pas besoin d’être des experts en données, mais des utilisateurs compétents de ces outils. Pour cela, une formation adaptée doit les accompagner. Celle-ci doit être centrée sur l’interprétation et l’exploitation des données pour améliorer l’enseignement, avec le soutien d’équipes techniques chargées de la conception, du développement et de la maintenance des systèmes.

Mais pour lui, le Big Data ne remplacera probablement jamais les aspects fondamentaux de l’enseignement traditionnel, mais s’intègrera comme un complément puissant pour enrichir et personnaliser l’expérience éducative.

— Accès limité aux infrastructures technologiques —

Toutefois, la mise en place de solutions Big Data dans les établissements scolaires, en particulier dans les régions éloignées, pose plusieurs défis techniques majeurs.

Il s’agit notamment de l’accès limité aux infrastructures technologiques, surtout dans les zones rurales où de nombreux établissements scolaires manquent des équipements de base nécessaires pour mettre en œuvre des solutions numériques, comme des ordinateurs, ou des dispositifs de stockage. Sans ces infrastructures, il est difficile de collecter, de traiter ou d’exploiter des données à grande échelle.

Une connexion stable et rapide est également essentielle pour accéder aux plateformes de gestion de données ou transmettre des informations vers des bases de données centralisées. Or, dans certaines régions, la couverture internet est faible, voire inexistante. Les solutions Big Data nécessitant un transfert constant de données en temps réel deviennent alors impraticables.

La fiabilité des infrastructures électriques est aussi un autre défi important puisque dans certaines régions, les coupures d’électricité fréquentes peuvent perturber le fonctionnement des systèmes numériques. Cela limite non seulement l’utilisation des outils mais également la capacité à maintenir des bases de données opérationnelles.

Le coût élevé des solutions technologiques, le manque de personnel formé et la sécurisation des données sont autant de défis auxquels le Sénégal pourrait être confronté face au déploiement des solutions Big Data.

L’IA et le Big Data, en offrant des solutions innovantes pour personnaliser l’apprentissage, optimiser la gestion des ressources et améliorer l’accès à l’éducation, représentent des opportunités considérables pour le Sénégal.

Cependant, pour en maximiser les bénéfices, des investissements en infrastructures, des formations adaptées et des régulations rigoureuses sont indispensables. Sans oublier le dilemme éthique et juridique soulevé par ces technologies qui nécessiteront une réflexion approfondie des décideurs politiques.

 

APS

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