Écrans : solution de facilité pour les parents, danger pour les tout-petits
Au Sénégal, les écrans sont devenus omniprésents dans le quotidien des enfants, même les plus jeunes. De nombreux parents, dépassés par leurs responsabilités, cèdent à la tentation de confier un smartphone, une tablette ou une télévision à leurs enfants pour gagner un moment de répit. Si cette habitude peut sembler pratique, elle soulève une question préoccupante : quels sont les impacts de cette dépendance aux écrans sur les tout-petits ? Comment protéger les enfants de cette addiction croissante ? Parents et spécialistes se prononcent dans ce dossier.
Une solution de facilité pour les parents
Entre les contraintes d’un quotidien chargé, le travail, les tâches ménagères et la gestion familiale, nombreux sont les parents qui optent pour les écrans comme moyen de divertir leurs enfants. Madjiguène Ndao Diop, architecte et mère de deux enfants de 2 et 5 ans, témoigne de cette réalité : « Les écrans font désormais partie du quotidien de mes enfants. Quand je rentre fatiguée du travail ou que j’ai des tâches à accomplir à la maison, je les laisse avec une tablette ou la télévision pour avoir un peu de calme. »
Cependant, elle exprime son inquiétude face à l’attachement grandissant de ses enfants aux écrans :
« Ils peuvent passer des journées entières à regarder des dessins animés, des chansons ou à jouer à des jeux vidéo. Je sais que ce n’est pas bon pour eux, mais avec mon emploi du temps, je me sens parfois sans choix. Pendant mes congés ou les week-ends, j’essaie de limiter leur exposition aux écrans pour passer du temps avec eux, mais c’est difficile. Ils font des crises de colère et pleurent sans arrêt. Cette dépendance me préoccupe, et je me sens responsable de cette situation », confie-t-elle avec regret.
Fatou Mbodj Coulibaly, femme au foyer, partage un constat similaire : « Même si je sais que les écrans peuvent être néfastes, ils sont devenus un mal nécessaire. Seule à la maison pour gérer les tâches ménagères, je place mes enfants devant des dessins animés pour qu’ils restent calmes. Cela me permet de travailler sans être interrompue par leurs demandes constantes. »
Les dangers des écrans pour les enfants
Cette pratique, bien que courante, inquiète les spécialistes de la petite enfance. Le Dr Ndiaye, pédopsychiatre, alerte sur les effets délétères des écrans sur le développement des jeunes enfants :
« L’exposition précoce aux écrans, qu’il s’agisse de smartphones, de tablettes ou de télévisions, est nocive. Elle freine le développement cérébral des enfants, entraînant des retards de langage, des troubles du comportement, du sommeil et de l’alimentation. Dans mon cabinet, je vois régulièrement des enfants de 2 ou 3 ans qui imitent les gestes des dessins animés mais peinent à parler correctement. »
Il ajoute : « À force de rester scotchés aux écrans, les enfants s’isolent de leur environnement, ce qui nuit à leur socialisation dans le monde réel. Plus ils passent de temps devant un écran, moins ils jouent ou interagissent avec les autres. »
Outre les troubles du développement, l’exposition prolongée aux écrans peut également affecter la santé visuelle. « La lumière bleue des écrans est toxique pour les yeux des enfants, dont le cristallin n’est pas encore pleinement développé. Cela augmente le risque de myopie », prévient le Dr Ndiaye.
Il appelle les parents à une prise de conscience :
« Certains parents parlent d’un “mal nécessaire”, mais je ne suis pas d’accord. Les parents doivent assumer leur responsabilité en encadrant leurs enfants et en posant des limites claires, même si cela entraîne des crises. Il faut parfois interdire les écrans, car c’est pour le bien des enfants. »
Des solutions pour contrer l’addiction
Face à ce phénomène, certains pays prennent des mesures. En Europe, des initiatives émergent, comme la création d’un téléphone à écran tactile limité aux appels et aux messages pour réduire l’addiction. En France, les autorités envisagent d’interdire les écrans pour les enfants de moins de 3 ans. La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a déclaré le 15 juin dernier au JDD : « Interdire les écrans pour les enfants de la naissance à 3 ans devrait être une règle appliquée partout, même si les autorités ne peuvent pas contrôler ce qui se passe à la maison. »
Au Sénégal, aucune mesure officielle n’a encore été prise pour limiter l’exposition des enfants aux écrans. Cependant, des pédagogues locaux s’engagent dans la sensibilisation. Ndèye Amy Sow, orthophoniste, observe une augmentation des troubles liés aux écrans : « Ces dernières années, nous recevons beaucoup d’enfants de 2 à 6 ans avec des retards de langage et des difficultés de concentration. Les parents doivent accorder plus d’attention à l’usage des smartphones, surtout si eux-mêmes en sont dépendants, car les enfants imitent leurs comportements. »
Elle souligne également l’impact de la pandémie de Covid-19 : « Le confinement a amplifié l’usage abusif des écrans. Avec la fermeture des écoles et des garderies, certains enfants de 18 mois passaient jusqu’à cinq heures par jour devant des vidéos. »
Pour lutter contre ce fléau, Ndèye Amy Sow propose des solutions concrètes, en s’appuyant sur les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : « Aucun écran avant 3 ans, et entre 3 et 6 ans, une exposition limitée à 30 minutes à 1 heure par jour, sous supervision parentale. Pas d’écran pendant les repas, dans la chambre ou avant l’école. Il faut privilégier les activités interactives comme la lecture ou les jeux de construction. Les orthophonistes sont là pour accompagner les familles et détecter les troubles précocement. »
Un constat alarmant
Au Sénégal, les écrans dominent le quotidien des enfants, dans les foyers comme dans les espaces publics. Sous le regard souvent passif des parents et des autorités, cette dépendance croissante menace la santé et le développement des plus jeunes. Une prise de conscience collective et des actions concrètes sont nécessaires pour protéger les tout-petits des dangers des écrans.
Seneweb
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