Le chiffre est vertigineux : 141.087.194.249 FCFA. C’est le montant des Dépôts à terme (DAT) ouverts, puis « cassés » sans reversement au Trésor public, tel que révélé par la Cour des comptes dans son rapport couvrant la période 2019–2024. Le dossier, désormais entre les mains du ministre de la Justice Ousmane Diagne, vise plusieurs anciens responsables, dont Amadou Ba, ex-ministre des Finances et candidat malheureux à la présidentielle de 2024.
Dans un référé transmis au Garde des Sceaux, le Premier président de la Cour des comptes, Mamadou Faye, a interpellé directement l’autorité judiciaire en dénonçant des faits graves et pénalement répréhensibles. Selon L’Observateur, ce qui est en cause ce sont des manœuvres financières « opaques » ayant conduit à la disparition de sommes colossales à savoir plus de 140 milliards de Fcfa issues du Trésor public, via des dépôts bancaires à terme.
Ces Dépôts à terme, souvent comparables à des comptes d’épargne bloqués sur une période de 3, 6 ou 12 mois, ont été prématurément liquidés sur instruction directe de ministres ou de ministres délégués chargés des Finances, sans que les fonds soient réintégrés dans les caisses publiques. Une pratique jugée illégale par la Cour des comptes. Amadou Ba est indexé comme le principal acteur de ces opérations.
Il aurait, selon les documents transmis à la justice, ordonné à plusieurs reprises l’ouverture et la liquidation de DAT, sans que les fonds soient tracés ni reversés. Exemple : une lettre signée le 30 juin 2016, ordonnant un dépôt de 4,1 milliards FCFA à un taux de 3,5 %, sans en indiquer l’objet. D’après la banque BRM, ce dépôt aurait finalement servi à rembourser l’escompte d’un billet à ordre en mai 2017, une destination floue qui interpelle.
Autre cas cité : un DAT de 6,5 milliards FCFA, lié à un protocole signé entre l’État, la Sonatel et la BRM, également ordonné par Amadou Ba via une lettre du 3 juin 2015, signée cette fois par Cheikh Tidiane Diop, alors secrétaire général du ministère des Finances.
Une chaîne de responsabilités
Outre Amadou Ba, plusieurs hauts responsables sont cités, notamment Cheikh Tidiane Diop, ex-directeur général du Trésor, et d’anciens trésoriers généraux. L’enquête devra déterminer le rôle exact de chacun dans la gestion de ces fonds publics, ainsi que l’identité du Trésorier général de l’époque, encore floue.
D’après l’article 125 du décret n°2011-1880 portant règlement général sur la comptabilité publique, seuls les comptables publics sont habilités à manipuler les deniers de l’État. En s’arrogeant ce pouvoir, les ministres concernés auraient « engagé irrégulièrement les finances publiques, en dehors des lois de finances votées. »
La Cour des comptes dans son rapport a insisté sur le fait que « la qualité de deniers publics ne se perd jamais, sauf lorsqu’ils sont utilisés pour éteindre une dette publique légale. Or, dans ces cas, aucune régularité ni traçabilité n’a pu être démontrée. »
Pressafrik
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